En mars 2020, Yann Tanguy rejoignait Les entreprises pour la Cité, réseau d’entreprises investies dans l’innovation sociale, succédant à Antonella Cellot-Desneux en qualité de Délégué Général. Spécialiste des questions d’engagement sociétal, Il a débuté sa carrière au sein d’un grand groupe de conseil puis d’une ONG internationale avant de rejoindre le Groupe SFR en tant que Directeur Responsabilité et Innovation Sociale. Aujourd’hui, il s’empare avec les équipes du réseau, d’un nouveau défi : permettre aux entreprises de s’affirmer comme le moteur de l’innovation sociale.
Du droit au mécénat, la justice comme fil conducteur
Porté par la volonté initiale de devenir juge, Yann Tanguy effectue une maîtrise de droit à Strasbourg avant d’intégrer Sciences Po Paris. Au cours de ses études, son plan de carrière professionnelle évolue. Sa curiosité et son envie de découvrir le secteur privé le poussent tout d’abord à effectuer un stage chez Accenture en conduite du changement. Une fois diplômé, il choisit finalement de mettre de côté la magistrature et de poursuivre son engagement au sein du cabinet de conseil, en tant que consultant en ressources humaines. « Au fond, cette idée de justice est restée en filigrane derrière les choix que j’ai pu faire, car j’ai toujours eu à cœur de retrouver cet idéal dans mes différentes missions » déclare Yann pour expliquer ce changement de voie en apparence radical.
Au cours des années passées au sein du groupe de consulting, Yann fait ses premiers pas dans le secteur associatif dans le cadre de deux missions de mécénat de compétences en faveur de l’association Force Femmes et de la Fondation Abbé Pierre. Des missions qu’il dit avoir beaucoup apprécié car elles lui ont permis de retrouver ce qui l’animait plus jeune : « s’’impliquer dans des sujets sociétaux aux cotés de l’action publique. »
Après plus de 5 années passées chez Accenture, Yann décide de prendre le temps de réfléchir à son avenir professionnel. C’est alors qu’il prend le large pour naviguer autour du monde à bord d’un voilier. Cette aventure, qui l’a mené de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique en passant par l’Antarctique, lui a notamment permis de faire mûrir son projet professionnel.
De retour en France, Yann Tanguy intègre l’ONG Action contre la faim. Recruté en tant que consultant interne, il reconnaît que cette expérience lui a permis de concilier ses connaissances en conseil et son désir de rejoindre une association. Pendant deux ans, il s’implique ainsi dans des projets stratégiques de rationalisation et de développement de la structure, tel que le renouvellement du modèle managérial pour les personnels de terrain. Après cette expérience très enrichissante, il décide de quitter son poste et de s’investir en faveur de l’intérêt général d’une nouvelle manière.
Suite à un rapide passage dans le secteur public, il décide finalement de retrouver une plus grande proximité avec le secteur associatif en intégrant le Groupe SFR en tant que Directeur de l’innovation sociale. Cette fonction lui donne l’occasion de prendre en charge l’engagement citoyen, la politique diversité et la coordination de la RSE du groupe ainsi que quelques programmes spécifiques tel que le plan de revitalisation, en plus de la fondation d’entreprise, alors axée sur l’égalité des chances. C’est d’ailleurs au cours de son mandat que la fondation va recentrer son action en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes issus de milieux modestes. Guidé par cette mission, Yann et son équipe accompagnent des projets d’innovation sociale tel que le développement d’Emmaüs Connect, présent aujourd’hui dans une quinzaine de ville en France. Reconnue comme un acteur incontournable de la réduction de la fracture numérique, l’association incarne un modèle en matière de collaboration entre associations et entreprises si chère à Yann « s’il y a vraiment une chose qui guide mes choix, c’est la complémentarité d’action car le monde est devenu trop complexe pour agir seul » explique-t-il.
Toujours fidèle à sa volonté d’unir les acteurs du secteur philanthropique afin de maximiser leurs impacts, Yann contribue à travers la Fondation SFR à la mise en place du Collectif pour l’emploi en 2014. Cette initiative, qui réunit 5 grandes entreprises (Accenture, Adecco, AG2R, SFR et Vinci) œuvre à la réduction des freins à l’emploi sur 3 territoires : le département de Seine-Saint-Denis, la ville de Marseille ainsi que la Métropole de Lyon. « Cette démarche s’apparente au collective impact puisque nous avons maillé tous les acteurs et parties prenantes qui pouvaient nous aider à résoudre les freins à l’emploi identifiés sur les territoires, puis nous avons mis en place des solutions ad hoc » résume-t-il. Convaincu par l’efficacité de ces initiatives collectives, Yann prolonge avec son équipe cette réflexion dans le processus de sélection de la fondation en demandant aux associations de répondre en consortium à certains appels à projets pour les inciter à collaborer. Parallèlement, il organise la mise en relation des associations et le partage de bonnes pratiques lors de journées inter-associations.
Après s’être investi pendant 4 ans chez SFR, Yann ressent le besoin de renforcer sa proximité avec les acteurs de l’innovation sociale investis sur le terrain. Il rejoint ainsi en mars 2020 Les entreprises pour la Cité en la qualité de Délégué Général, lui permettant de jouer un rôle de coordinateur entre deux acteurs qu’il connait bien : les associations et les entreprises.
Les entreprises pour la Cité, un réseau d’acteurs engagés
Créé en 1986 par Claude Bébéar, fondateur d’Axa, Les entreprises pour la Cité est un laboratoire de réflexion-action qui mobilise et inspire un réseau de 200 entreprises et leurs fondations, pour agir et générer des transformations sociales positives. Aujourd’hui encore l’association porte la vision de son fondateur selon lequel « l’entreprise doit pouvoir s’investir, avec les moyens dont elle dispose, pour que la Cité se porte mieux ». En promouvant le mécénat et les investissements citoyens, la diversité, l’accès à l’emploi et le management Inclusif, ou encore l’éducation et l’inclusion numérique, le réseau affirme aujourd’hui que les entreprises sont bien au cœur de la transformation et de la performance de notre société. Depuis fin 2019, son nouveau Président, Stéphane Roussel poursuit la raison d’être de l’association.
Dirigée aujourd’hui par Yann Tanguy, l’association agit en faveur du développement de l’engagement sociétal des entreprises quel que soit leur taille, leur localisation et leur secteur d’activité. « Je pense que Les entreprises pour la Cité est l’artisan qui favorise le dialogue entre les associations et les entreprises. J’aime l’idée de faire le trait d’union entre des cultures qui sont assez différentes. » développe-t-il. Ainsi, le réseau joue un rôle de catalyseur qui favorise la coopération entre les différents acteurs des territoires. Grâce ses 6 implantations territoriales (Alsace, Île-de-France, PACA, Ouest-Atlantique, Sud-Ouest et Rhône-Alpes), l’association est en mesure de contribuer à l’émergence de réponses collectives adaptées aux spécificités du tissu économique de chaque région.
Dans un monde de plus en plus complexe et dans lequel les ressources se raréfient, la collaboration inter-entreprises apparait également comme fondamentale pour répondre avec efficience et efficacité aux problématiques d’aujourd’hui. Yann en est convaincu : « Aujourd’hui il y a beaucoup d’initiatives de la part des entreprises. Il faut que chacune soit humble et efficace pour se coordonner et optimiser son impact » affirme-t-il. Bien qu’il reconnaisse que les entreprises sont plus matures en matière d’innovation sociale, Yann sait que les efforts doivent se poursuivre pour engager toujours plus d’organisations sur cette voie.
Face à cette situation, LepC doit poursuivre son accompagnement, mais également renforcer la diffusion et l’accélération de ces initiatives entrepreneuriales. Depuis 2019, la promulgation de la loi PACTE a mis en lumière le rôle sociétal des entreprises, questionnant ainsi le cœur même de leur stratégie de développement. Dans ce contexte, les équipes du réseau accompagnent également les entreprises dans la conception et la mise en œuvre de leur raison d’être. « La raison d’être n’est pas forcément quelque chose qui va de soi, elle se construit avec le temps et évolue. » souligne Yann.
En 2020, suite aux bouleversements provoqués par l’apparition du COVID-19 en France, LepC s’est adaptée pour poursuivre ses missions auprès de ses membres et autres partenaires. Au cours de la période de confinement, elle a ainsi développé un ensemble d’animations et de contenus digitaux. Yann perçoit ces nouveaux acquis comme une opportunité pour accroitre les capacités d’action et de mobilisation de l’association. « Le développement du distanciel doit être un recours plus naturel, cela permet de mobiliser plus facilement les compétences répandues sur les territoires et apporter une réponse plus riche à nos membres. » développe-t-il.
Un équilibre à trouver entre attentes des mécènes et besoins des porteurs de projets.
A travers les expériences vécues du côté des associations et des fondations, Yann Tanguy s’est confronté à de nombreux défis dont il a tiré certains enseignements.
« Le secteur associatif s’est beaucoup professionnalisé. Je pense que cela a été une bonne chose parce que les associations sont souvent devenues plus efficientes » témoigne-t-il. Toutefois, cette transformation du mouvement associatif s’est accompagnée d’exigences plus grandes de la part des mécènes et d’une standardisation des critères de sélection. Ces phénomènes ont pu entrainer selon lui un appauvrissement de la diversité des acteurs et de leurs savoir-faire. Face à cette problématique, il conseille aux mécènes de réaliser des visites de terrain qui permettent d’améliorer ses connaissances de l’association, de ses membres et de ses ambitions, mais également de développer une relation de confiance entre partenaires.
L’effervescence actuelle autour du digital serait également un des grands maux du mécénat en raison de son influence directe sur la sélection des associations à accompagner. « Parfois, j’ai l’impression que le digital prend une place trop importante et qu’il fait passer au second plan les objectifs prioritaires des porteurs de projets » constate Yann.
Sujet cher à son cœur, le mécénat de compétences connait une véritable dynamique dont la pérennité est incertaine. « Quand on met en place du mécénat de compétences, il faut apporter une compétence bien précise à une association qui en a besoin en considérant l’expertise de la personne » développe-t-il. Sans le respect de l’essence même de cette pratique et de son processus d’application, le mécénat de compétences pourrait perdre de sa substance et fragiliser les capacités d’actions collectives entre associations et entreprises. Afin d’éviter cette situation et d’assurer une plus grande adhésion à la stratégie de mécénat, les entrepreneurs pourraient également être à l’écoute des sensibilités de leurs collaborateurs en matière d’engagement sociétal.
Malgré ces défis et les difficultés engendrées par la crise sanitaire, Yann, confiant, affirme que les actions de solidarité des entreprises se poursuivront. Selon lui « elles ont tout intérêt à se développer dans un climat sociétal apaisé. ». Néanmoins, il estime qu’en raison des circonstances exceptionnelles auxquelles le pays fait face, l’engagement des entreprises évoluera. Le mécénat de compétences pourrait, par exemple, supplanter les soutiens financiers traditionnels et les enjeux environnementaux, prendre une place prépondérante dans la stratégie de mécénat des entreprises… Affaire à suivre !
Propos recueillis par Clément Dufour
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