Le 12 mai 2022, le Think Tank Terra Nova a publié son rapport « Quel rôle et quelle place pour la philanthropie dans la démocratie aujourd’hui ? » rédigé par Jean-Marie Bergère et Suzanne Gorge avec la participation de Laurence Nervaux, Nicolas Duvous et de Marc-Olivier Padis. Le rapport tente de reposer des questions sur le rôle et les missions de la philanthropie dans un contexte d’une société en quête de démocratie partagée entre deux visions divergentes sur les organisations de la philanthropie. Mécénova revient sur les propositions du rapport.
La philanthropie est vue par certains comme l’action exclusive des plus fortunés qui cherchent à réparer les dégâts causés par la course au profit et à la compétition généralisée. Tandis que d’autres y voient une chance pour la société, d’autres y voient un privilège indu qui biaise l’exercice démocratique par la possibilité accordée à quelques-uns de choisir les causes dignes d’être soutenues. Entre ces deux conceptions radicalement opposées, un chemin “démocratique”, répondant aux enjeux sociaux comme politiques de la période. Terra Nova essaie dans son rapport « Quel rôle et quelle place pour la philanthropie dans la démocratie aujourd’hui ? » de comprendre le rôle de la philanthropie dans la société française. Le rapport a été rédigé par Jean-Marie Bergère et Suzanne Gorge avec la participation notamment de Laurence Nervaux, Nicolas Duvous et Marc-Olivier Padis.
Terra Nova a structuré son rapport autour de quatre éléments. Premièrement, le rapport a établi un ensemble de constats sur le secteur de la philanthropie en France. Notamment l’importance de l’écosystème de ce secteur, la place marginale qu’il occupe en France malgré le cadre juridique favorable au mécénat d’entreprise. Ensuite, la faiblesse des montants des dons en dépit de la multiplication des grands donateurs. En outre, il enchaine avec le rôle joué par la philanthropie en France, en décrivant l’état actuel des fondations, les modalités opératoires et les modes de financement. Enfin, Terra Nova structure des propositions pour redonner une place à la philanthropie, notamment à travers une focalisation sur les relations avec les politiques publiques, une gouvernance plurielle élargie, une mise en place de modalités d’action et d’évaluation, un développement de la cuture du don et des connaissances sur la philanthropie.
Les propositions du rapport sont réparties en cinq axes :
- Les relations avec les politiques publiques
- Favoriser une gouvernance plurielle et élargie
- Modalités d’action et d’évaluation
- Développer davantage la culture du don
Mécénova a sélectionné pour vous 8 propositions issues du rapport.
Pour retrouver l’ensemble des 14 propositions consultez le rapport complet ici.
Axe 1 : Une meilleure organisation des relations avec les politiques publiques
Proposition 1 : Penser et organiser de manière pérenne les relations avec les pouvoirs publics sur une base stratégique plutôt qu’au coup par coup et ministère par ministère
Constat : Il existe une absence de de point focal du secteur et de lieu stratégique pour peser les relations entre acteurs de la philanthropie et l’Etat et vision dispersée entre des acteurs étatiques multiples.
Proposition : Mettre en place d’une instance indépendante qui piloterait à la fois le travail de délivrance des agréments et le contrôle des structures en complémentarité avec le rôle de la Cour des comptes. Elle aura comme mission le conseil des porteurs de projets de fondation et le partage des bonnes pratiques du secteur ainsi que l’actualisation et la centralisation des données afin de permettre à l’Etat une meilleure mesure d’impact de sa politique fiscale.
Proposition 2 : Développer les relations avec tous les échelons d’administration
et de collectivités notamment pour renforcer l’ancrage territorial de la philanthropie
Constat : Une meilleure connaissance des fondations territoriales du territoire et de ses problématiques et ses besoins, ainsi qu’une meilleure approche d’intervention. A l’encontre des politique publiques qui détiennent un horizon limité à celui du cycle électoral et de l’exercice budgétaire.
Proposition : Développer une philanthropie territoriale à travers un rapport collaboratif entre les pouvoirs publics et les acteurs de la philanthropie
Axe 2 : Adopter une gouvernance plurielle et plus élargie
Proposition 3 : Une implication plus forte et plus systématique des bénéficiaires (bénéficiaires directs ou porteurs de projet financés par les fondations distributrices) dans les processus de sélection, d’accompagnement, de mise en œuvre et d’évaluation
Constat : Les fondations sont ouvertes au dialogue avec leurs bénéficiaires. Des marges de manœuvres sont encore possibles dans l’implication des bénéficiaires en développant une relation de long terme et les intégrant davantage dans les processus d’élaboration des programmes.
Proposition : Développement de relations de long terme avec les bénéficiaires et leur intégration dans le processus de mise en œuvre des programmes des fondations, ce qui permettra une meilleure compréhension des enjeux et des programmes et l’adoption de solutions meilleures.
Proposition 4 : Une gouvernance associant des parties prenantes et des personnalités qualifiées indépendantes des fondateurs pour l’ensemble des statuts de fondations
Constat : La création de fonds de dotations a été renforcée par le contrôle de l’autorité administrative sur leur création et leur fonctionnement par le biais de la loi n°2021–1109 du 24 août 2021. Cependant, leur gouvernance nécessite un élargissement qui permet aux fondateurs de rester majoritaires.
Proposition : Adapter la recommandation de la Cour des comptes aux fonds de dotation par l’instauration d’une instance collégiale qui regroupe des personnalités qualifiées et expertes qui auront un effet positif en matière de mise en place de la stratégie du fonds et en termes de processus de sélection des projets à soutenir dans le cadre des appels à projets.
Axe 3 : Modalités d’action et d’évaluation
Proposition 5 : Favoriser le croisement des expertises et des réseaux pour permettre à la philanthropie de positionner son action à un niveau systémique.
Constat : Il existe de nos jours un ensemble d’initiatives collectives dont les pratiquent pourraient être généralisées pour faire évoluer les pratiques du secteur et répondre aux enjeux telle que La Coalition française des fondations pour le Climat (CffC), initiée par le Centre français des Fonds et Fondations.
Proposition : Encourager les initiatives collectives, les alliances, les consortiums, les coalitions entre fondations et les partenariats multi-acteurs : collectivités territoriales, entreprises et associations qui favorisent toutes le développement de solutions concrètes et l’expérimentation de nouvelles façons de soutenir les projets
Proposition 6 : Les méthodes permettant de rendre compte de la valeur réellement produite pour chaque partie prenante restent aujourd’hui limitées
Constat : Le manque d’outils et de données ne permet pas de mesurer concrètement la contribution réelle des acteurs de l’intérêt général.
Proposition : Réaliser une étude comparée entre l’efficacité d’un don et celui d’une subvention publique et systématisation des démarches d’évaluation à travers une approche basée sur les méthodes de rendre compte de la vraie valeur produite pour chaque partie prenante.
Axe 4 : Développement de la culture du don
Proposition 7 : Encourager les dons quel que soit le potentiel contributif de chacun
Constat : Les donateurs qui ne sont pas assujettis à l’impôt ne bénéficient pas de réduction prévue dans le cadre des dispositifs fiscaux
Proposition : Une ouverture plus large des dispositifs fiscaux aux acteurs qui ne sont pas assujettis à l’impôt permettrait que les donateurs bénéficient tous des mêmes incitations. Cette mesure favoriserait le développement d’une culture du don dans toute la société.
Proposition 8 : Encourager la « grande » philanthropie
Constat : le processus d’instruction d’une création ou d’une modification des statuts d’une fondation reconnue d’utilité publique est long et complexe
Proposition : Adopter la proposition du rapport « La philanthropie à la française » qui consiste à rendre la reconnaissance l’utilité publique par décret simple et supprimer l’avis à priori du Conseil d’Etat et prévoir une possibilité de recours lorsqu’une demande de reconnaissance d’utilité publique est refusée. Il serait également envisageable d’accroitre la transparence et la simplification au processus sans pour autant mettre en cause l’exonération de droits de mutation à titre gratuit, afin d’encourager les acteurs ayant un pouvoir contributif plus large.
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