Directeur du développement durable chez Aviva France, Thibault de Saint Simon a contribué à la création de la stratégie RSE du groupe d’assurances. Portrait d’un homme passionné par l’engagement, qui a observé l’évolution de la RSE depuis les années 2000 et a su intégrer cet enjeu dans la stratégie business de l’entreprise.
Une carrière chez Aviva
Thibault de Saint Simon se définit lui-même comme un « bébé Aviva ». Depuis ses débuts professionnels, il est en effet resté fidèle à son entreprise, qui figure parmi les leaders du secteur en Europe. Arrivé en 2006 au sein d’Aviva France, il n’a jamais quitté le groupe depuis, poursuivant sa route avec passion et audace, tout en restant loyal à ses valeurs et à ses engagements. Arrivé en alternance, il est désormais Directeur du Développement Durable. Grand observateur des pratiques sociétales des entreprises depuis les années 2000, il œuvre au quotidien pour faire de la RSE un véritable enjeu de performance économique et sociale.
Son poste actuel de Directeur Développement Durable ne tient rien du hasard. Etudiant, il était déjà engagé dans le secteur associatif et avait fait le choix d’effectuer tous ses stages dans le secteur de la communication au service de l’intérêt général. Etudiant en Communication et Marketing à l’Université Paris Dauphine, il a alors l’opportunité d’effectuer son alternance au sein de la Fondation Aviva. De cette époque, Thibault de Saint Simon se souvient : « En France, on voyait tout juste émerger le sujet de la RSE, alors que notre maison-mère de Londres parlait déjà de corporate social responsability ». Alors que les enjeux climatiques se font de plus en plus pressants, l’équipe de la Fondation Aviva, qui portait jusqu’alors les sujets d’engagements sociétaux, propose de créer un poste de Responsable RSE, pour établir une stratégie de responsabilité sociétale en lien avec le métier d’assureur d’Aviva, au cœur des enjeux environnementaux. Thibault de Saint Simon devient ainsi Responsable RSE d’Aviva France jusqu’en 2009.
Cette nouvelle responsabilité lui donne alors l’occasion d’entamer une réflexion quant aux impacts de l’activité de l’entreprise sur ses parties-prenantes internes et externes : environnement, engagement des salariés, achats… « Au début, c’est vrai que nous étions davantage sur des enjeux de prévention, plutôt que dans l’innovation de produits et de services ». Fort du succès de cette démarche en France, le Groupe propose à Thibault de la répliquer à l’échelle européenne au sein d’Aviva Europe, qui réunissait l’Irlande, l’Italie, l’Espagne, la Lituanie, la Pologne, la Russie et la Turquie. Malgré des marchés et des produits commercialisés parfois très différents, Thibault entend co-construire une vision commune de la RSE : « C’était passionnant parce que cela m’a permis de comprendre ce que voulait dire la RSE dans chacun de ces pays. J’ai découvert que la Turquie était bien plus en avance que nous sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ou encore que l’Espagne avait de belles initiatives en finance durable… Des choses auxquelles on ne s’attend pas forcément ! » Il constate ainsi que souvent, les programmes et les politiques de responsabilité sociétale sont « très liées à la personnalité des dirigeants et à leurs convictions personnelles ».
En 2012, Thibault de Saint Simon rejoint l’équipe RSE de la maison-mère du Groupe Aviva, et élargi ainsi son périmètre d’action au Canada. A l’image d’un « consultant interne », il fait alors beaucoup de sensibilisation et de formations sur la RSE auprès des différents pays d’implantation de l’entreprise. « J’essayais de créer de l’engagement, de l’enthousiasme, de convaincre, de lancer des projets, qui seraient mis en œuvre par d’autres sur le terrain. Cette ouverture à l’international était enrichissante car c’était un vrai défi de faire travailler tout le monde ensemble malgré les freins culturels. » explique-t-il.
En 2013, il rencontre Caroline Desaegher, alors Directrice de la Communication et du Développement durable d’Aviva France. Elle lui propose de revenir en France pour se charger de la RSE et des relations presse, avec la volonté de faire de la RSE un vrai levier de réputation externe. « Caroline m’a fait confiance en me proposant ce poste, alors que je n’avais jamais fait de relations presse auparavant. Je trouve que cela reflète bien la politique des talents de l’entreprise : la possibilité de prendre en main des nouveaux sujets, de grandir, de se développer ! » En 2015, ils créeront tous deux la Fabrique Aviva, le programme de soutien aux idées entrepreneuriales utiles et innovantes.
En 2016, à l’âge de 34 ans, Aviva France lui offre l’occasion de devenir Directeur de la Communication et du Développement Durable, une opportunité qu’il saisit avec fierté. Il exprime alors le virage que prend la RSE en s’intégrant de manière de plus en plus importante dans le business de l’entreprise. « Alors que la RSE a été un levier de réputation de plus en plus puissant, c’est en train de devenir un levier de transformation du business ».
Aviva Solutions Durables : la politique d’investissement citoyen d’Aviva France
La politique RSE d’Aviva se décline en trois enjeux stratégiques : créer l’assurance de demain, en proposant des produits et des offres responsables, insuffler une culture de la RSE et de l’impact sociétal en interne et enfin, contribuer au débat public sur les sujets de finance durable et d’assurance responsable. Cette politique, regroupée sous la bannière « Aviva Solutions Durables », se concentre sur trois champs d’action : l’inclusion, le climat et l’investissement. Thibault de Saint Simon précise que les actions de mécénat sont parties intégrantes de cette stratégie RSE.
La politique d’Aviva en matière d’inclusion repose sur plusieurs programmes pilotés par Sylvie Chartier à la Direction Inclusion et dédiés à la cause LGBT, au handicap et à l’égalité professionnelle femme-homme. Pour chacun de ces enjeux, Aviva créé des communautés internes de salariés. Thibault reconnaît : « Ces communautés font un travail fantastique, ce sont elles qui font avancer les choses au quotidien ! »
Sur le volet climat, Aviva figure parmi les « bons élèves » du secteur de l’assurance de par la politique de sélection ESG (Environnement, Social, Gouvernance) qu’elle applique à ses investissements. Elle encourage également les entrepreneurs à impact « qui créent et réinventent les territoires en prenant en comptes des valeurs d’inclusion et les enjeux climatiques, notamment en France, pays d’Europe le plus touché par les aléas climatiques » détaille Thibault de Saint Simon.
Cette politique volontariste, l’entreprise la porte également au niveau international, en s’investissant dans différentes instances telles que Finance for Tomorrow, le groupe d’expert de la finance durable de la commission européenne, les Principes de l’Investissement Socialement Responsable (PRI)… De par leur présence dans ces institutions, Aviva entend peser dans les prises de décisions : « On veut challenger les pouvoirs publics sur les enjeux et réglementations, qui rendent parfois difficile l’action responsable, ou qui peuvent au contraire nous encourager à accélérer » affirme Thibault.
Le volet investissement regroupe les activités d’investissement socialement responsable (ISR) et de soutien aux entrepreneurs à impacts, dont l’initiative de la Fabrique Aviva, fondée sur la logique du don, mais qui n’est pas considérée juridiquement comme du mécénat. Thibault de Saint Simon précise : « Nous considérons la Fabrique Aviva comme un investissement citoyen de l’entreprise, dans le sens où l’on s’adresse aussi bien à des associations qu’à des entrepreneurs de l’ESS. »
Créé en 2016, ce programme est venu remplacer la Fondation d’entreprise, qui agissait en faveur des enfants et des seniors. A l’époque, le groupe réfléchissait aux manières de réinventer cette Fondation, qui avait de petits moyens et peinait à produire un réel impact. « Au même moment, notre CEO en France, qui effectuait une visite au sein de la branche canadienne d’Aviva, a découvert leur Community Fund, et tous les impacts que ce dernier a eu en termes de soutien à des acteurs associatifs locaux, d’engagement interne et de réputation externe. » Inspirés par cette initiative outre-Atlantique, Caroline et Thibault décident alors de mettre la Fondation en sommeil, et de créer la Fabrique Aviva ! Cette transformation a marqué un vrai tournant dans l’entreprise confie Thibault. En plus de permettre chaque année à des dizaines de projets à impacts de se développer, « la Fabrique nous permet d’identifier des projets susceptibles d’être intégrés dans notre fonds d’impact investing, et de nous positionner comme un acteur de référence pour l’assurance des entrepreneurs à l’échelle locale ». Pour les porteurs de projets qui figurent sur la plateforme, c’est également une « occasion de gagner en visibilité » auprès des médias. En interne, la Fabrique Aviva est aussi une excellente opportunité d’engager les collaborateurs du groupe. « Ils s’impliquent dans les jurys, votent pour leur projet préféré, et peuvent même être mentor de la Fabrique. Ce sont les premiers ambassadeurs de notre démarche ! » constate Thibault. Ces derniers ont également la possibilité de donner de leur temps au profit de causes d’intérêt général, en s’investissant un jour par an auprès d’associations, ou de faire des « dons de congés », au profit de collègues qui doivent se rendre auprès d’un proche malade par exemple.
Depuis la création de la Fabrique Aviva en 2016, ce sont ainsi plus de 4800 projets candidats, plus de 9 millions de votes, 638 finalistes et 200 projets lauréats qui ont été comptabilisés. Aviva lancera la 5e édition de la Fabrique en 2020, en se lançant le défi d’en réinventer le modèle, pour améliorer son ancrage local et les interactions entre lauréats : « On veut une Fabrique qui puisse vivre toute l’année et qui soit plus ancrée dans notre réseau d’agents. (…) Ce que l’on aimerait proposer à nos lauréats, ce sont des ateliers de co-création, de partage d’expériences, pour qu’ils s’entraident et forment une vraie communauté » complète-t-il.
Une étape clé a été franchie en 2019 en rattachant la Fabrique Aviva aux produits d’épargne d’Aviva France à travers le fonds « Aviva La Fabrique Impact ISR ». « Nous souhaitons offrir à nos clients la possibilité de donner du sens à leur épargne à travers la gamme Aviva Vie Solutions Durables regroupant différents fonds responsables dont un fonds d’Impact Investing qui investit notamment dans des gagnants de la Fabrique Aviva », explique Thibault. Il poursuit: « Je trouve passionnant de pouvoir démultiplier l’action de la Fabrique Aviva à travers un produit d’épargne rentable et engagé ! ».
Une RSE pleinement intégrée au business
Selon Thibault de Saint Simon, l’émergence et la prise en compte des enjeux liés à la RSE ont ouvert la porte à une nouvelle ère : « En 2007-2008, notre économie a connu la révolution digitale. Aujourd’hui, c’est la quête de sens qui est en train de révolutionner la manière dont les entreprises performent, font du business, emploient et interagissent avec leurs parties prenantes ». Devant cet enjeu majeur pour les entreprises, Thibault reste lucide car selon lui, pour que ces nouveaux modèles se développent, les dirigeants d’entreprise doivent placer la RSE « au service de l’innovation et du business ». Il poursuit : « Pour que la RSE se conjugue à l’aspect business, il faut que les gens nous fassent confiance. Mais pour cela, il faut que l’on puisse leur montrer des résultats, des chiffres, des preuves, que nos parties-prenantes externes pourront ensuite challenger. »
Naturellement, le Directeur Développement Durable d’Aviva France s’intéresse au statut des sociétés à mission, qui mettent leurs activités économiques au service d’une mission d’intérêt général. Inspirées des Benefit Corporation (B-Corp) nées aux Etats-Unis, les entreprises à mission sont apparues dans le débat public français lors des discussions autour de la Loi Pacte, et ont désormais un statut officiel. Selon Thibault, « les démarches comme celle de B-Corp, sont très intéressantes, parce que ce sont des moyens de structurer et de certifier la démarche de responsabilité sociétale d’une entreprise ». Il émet même le souhait qu’un jour Aviva puisse être certifié B-Corp : « Je pense que c’est un moyen dans la gouvernance, dans la formalisation, dans l’intention, d’engager très fortement le management sur ce sujet. »
Une ambition qu’il porte avec passion, bien qu’il le concède lui-même : « Etre en charge de la RSE, c’est gérer une frustration continue, parce que le chemin est infini et les moyens humains sont limités… ».
Propos recueillis par Oriane Hostin et Lauren Lolo
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