Il y a encore quelques années, la mobilisation des collaborateurs était considérée comme « une parenthèse affective dans un monde très pragmatique », dixit Sylvain Reymond. Aujourd’hui, les actions dites citoyennes sont devenues stratégiques pour les entreprises, conscientes des enjeux auxquels ces dernières peuvent répondre. Du bénévolat au mécénat de compétences, en passant par le pro bono ou l’intrapreneuriat, elles sont de plus en plus nombreuses à formaliser des programmes d’engagement à la carte. Certaines vont jusqu’à solliciter l’engagement financier de leurs salariés, comme une marque d’adhésion ultime. Décryptage des formats de mobilisation les plus innovants…
La mobilisation des collaborateurs au bénéfice de l’intérêt général répond à une multitude d’enjeux, qu’ils soient liés à l’image, aux ressources humaines, à l’ancrage territorial ou encore à l’innovation. La diversité des formats et l’apparition de nouveaux dispositifs attestent de cette dynamique, qui place le collaborateur au cœur des investissements citoyens de l’entreprise.
68% des structures proposent à leurs collaborateurs de s’impliquer dans des actions de solidarité.
Panorama des fondations et fonds de dotation crées par des entreprises mécènes, EY & Les entreprises pour la Cité.
Une multiplicité de formats
La politique de mécénat des entreprises n’est plus le fait d’un petit groupe dédié, sectorisé, mais bien de l’organisation dans son ensemble. Ainsi, les collaborateurs ont désormais toute légitimité à prendre part à des actions dites citoyennes en effectuant un don financier, ou en donnant de leur temps, de manière bénévole – engagement libre, hors temps de travail et sans rémunération – ou via le mécénat de compétences, qui repose sur l’engagement volontaire du salarié durant son temps de travail.
Parmi les formats de mobilisation les plus courants, le détachement en mécénat de compétences permet au salarié de s’engager au sein d’une structure d’intérêt général sur le long terme, de plusieurs semaines à plusieurs années. Souvent dédié à l’accompagnement de jeunes dans le cadre (péri)scolaire, le parrainage ou mentorat vise quant à lui à accompagner un bénéficiaire (qu’il soit élève, étudiant, professionnel, chômeur…) pendant plusieurs années, nécessitant dès lors une grande implication de la part du collaborateur. Enfin, les courses solidaires sont reconnues pour leur dimension collective, et permettent à un grand nombre de collaborateurs de s’engager, au nom de leur entreprise, au profit d’une cause d’intérêt général. Les journées de solidarité sont également très appréciées des grands groupes, permettant de mobiliser sur une même journée et sur plusieurs sites distincts, un nombre élevé de salariés.
De nouveaux formats de mobilisation font leur apparition, poussés par l’évolution des rapports entre entreprise et société civile ainsi que la transformation des modes de management. L’arrondi sur salaire se démocratise ainsi peu à peu au sein des plus grandes structures, permettant aux salariés d’arrondir leur salaire, pour offrir les centimes « invisibles » à une ou plusieurs associations que l’entreprise aura sélectionnées au préalable, se portant ainsi garante de la bonne affectation du don. Très appréciés des directions RH, les marathons pro bono mobilisent des équipes pluridisciplinaires intra-entreprise ou inter-entreprises voire plus surprenantes (étudiants-professionnels, chômeurs-salariés) afin de réaliser en une journée un livrable au profit d’une association. Le crowdfunding apparaît quant à lui comme un dispositif doublement efficace, permettant à l’entreprise, au-delà de la collecte en elle-même, de valoriser ses actions. Enfin, l’intrapreneuriat, à l’œuvre dans quelques structures parmi les plus en pointe, vise à autonomiser et responsabiliser le collaborateur pour lui permettre d’entreprendre au sein et pour l’entreprise, notamment sur des projets à vocation sociale et/ou reconnus d’intérêt général.
Le crowdfunding permet d’informer et d’agir en même temps…
c’est aussi un formidable outil pour révéler de nouveaux donateurs !
Thérèse Lemarchand, Commeon
Selon leur caractère individuel ou collectif, généraliste ou cœur de métier, et le degré d’implication nécessaire au salarié, chacun de ces formats présente des bénéfices et des contraintes qui lui sont propres. Donnant une vue d’ensemble des contributions qu’un collaborateur peut offrir via son entreprise, les programmes d’engagement « à la carte » conçus par un nombre croissant d’entreprises, témoignent des nombreux bénéfices de la mobilisation pour les collaborateurs et d’enjeux divers pour l’entreprise.
Autant d’enjeux pour l’entreprise…
La grande richesse des formats de mobilisation répond à des besoins concrets, tant du côté de l’entreprise que des porteurs de projets et des bénéficiaires de l’action. À ce titre et parce qu’ils constituent une réponse efficace aux enjeux stratégiques de l’entreprise, les dispositifs d’engagement des collaborateurs trouvent une place de plus en plus centrale dans les politiques citoyennes de ces dernières.
71% des entreprises pensent que leur soutien à l’engagement citoyen va augmenter.
84 % des associations considèrent avoir besoin d’une compétence non disponible en interne.
Panorama du Pro Bono 2016, Pro bono lab
En termes de RH, quoi de plus stimulant et de plus efficace que de co-construire, dans un temps court, avec des collègues de métiers différents et hors cadre hiérarchique ? Le succès des marathons pro bono est le résultat de ce constat. Par les échanges et expériences qui découlent des travaux en équipe, c’est la cohésion interne, la marque employeur et l’enrichissement du salarié qui se voient renforcés. Cette mobilisation participe à la montée en puissance des collaborateurs et vient renforcer ou se substituer à des formations plus classiques : un apprentissage par le biais de l’expérimentation.
À l’heure où les différentes parties prenantes sont de plus en plus sensibles aux contributions citoyennes des entreprises, les collaborateurs mobilisés deviennent les meilleurs ambassadeurs pour incarner et faire vivre leur engagement sociétal. Ainsi, le crowdfunding apparaît comme doublement efficace, permettant de mobiliser les salariés financièrement au profit d’une cause, tout en apportant un « coup de projecteur » aux initiatives portées par l’entreprise. L’association des clients à ces campagnes et la possibilité pour l’entreprise d’abonder chaque don augmentent d’autant l’impact de cette mobilisation.
La mobilisation des collaborateurs permet également aux entreprises de réaffirmer leur ancrage territorial, comme avec les Citizen Days qui leur permettent de mobiliser sur une même journée un grand nombre de salariés, et de créer des liens avec le tissu associatif local. Ce temps fort est un excellent moyen de faire découvrir aux collaborateurs la ou les causes soutenue(s) et de toucher les moins disponibles d’entre eux, pour espérer à terme, les mobiliser davantage.
Enfin, l’engagement des collaborateurs peut constituer un levier d’innovation pour l’entreprise, en permettant l’expérimentation, le décloisonnement et le développement des équipes. Ancré dans les objectifs stratégiques de l’entreprise et répondant à la quête de sens des salariés, l’intrapreneuriat en est un parfait exemple, consistant à rendre le collaborateur moteur du changement en lui donnant les moyens d’entreprendre au sein même de la structure. Il répond ainsi de manière concrète à deux besoins majeurs pour l’entreprise : (ré)engager et innover.
L’engagement des salariés est au cœur de la transformation des entreprises, sachons l’activer !
Sabrina Murphy, Fondatrice et responsable du People’s LAB de BNP Paribas
… que de bénéfices pour les collaborateurs
Les formats les plus innovants envisagent l’implication des salariés en transverse, prenant en compte l’entreprise dans sa globalité et au sein de son écosystème, notamment dans son aspect commercial. Ainsi, les formats d’engagement développés par les entreprises tendent à s’adapter au collaborateurs : à leurs contraintes comme à leurs aspirations. Les grands cabinets de conseil et d’audit, qui ont par nature, de forts enjeux de recrutement et un important turn over, ont développé des techniques de mobilisation sur-mesure avec un suivi de ces actions. Ainsi, Deloitte adapte les formats proposés au potentiel d’engagement de ses collaborateurs, évalué grâce à un score par âge donnant à voir les périodes de la carrière où le consultant sera le plus à même de donner de son temps et de ses compétences. Il en va de même pour la prise en compte des savoir-faire et expertises : chez Accenture, les offres de mobilisation correspondent souvent à l’équivalent de missions de conseil, ici réalisées gracieusement.
Finalement, qu’il s’agisse de mobilisation financière ou de partage de compétences, l’essentiel est de donner aux collaborateurs la possibilité de s’engager, à leur manière. La condition sine qua non à l’engagement des collaborateurs est donc d’adapter les formats proposés à chaque contexte, en ayant bien défini les enjeux en amont. Il n’y a pas, et c’est le point essentiel, une solution et un format d’engagement applicable partout, mais autant de solutions que de cultures d’entreprises, de collaborateurs et d’écosystèmes différents. Impliquer au mieux ses collaborateurs revient donc à trouver le juste équilibre entre besoins des bénéficiaires, aspirations des collaborateurs et enjeux de l’entreprise. C’est tout simplement optimiser l’action à travers des formes d’implication classiques, comme plus innovantes.
Par Les entreprises pour la Cité en partenariat avec Carenews
[…] C’est dans ce contexte d’investissement social que le pro bono trouve également un sens nouveau. Destiné au départ au mécénat à destination des acteurs de l’intérêt général, le pro bono devient un investissement en compétences précieux pour les acteurs de l’ESS. Ainsi, par mission longue, accompagnement ponctuel ou opération coup de poing (comme les marathons), les grands groupes mettent à disposition leurs collaborateurs. Cet investissement répond à un enjeu très fort de mobilisation des salariés, notamment des plus jeunes (lire l’article dédié sur mecenova.org). […]