Créé le 14 juin 2022 par 21 co-fondateurs* la Fondation des Territoires est un espace de dialogue à l’écoute des territoires unique en France. Pour mécénova, Frédérique Le Monnier, Déléguée Générale de la Fondation GRDF et Charles-Benoit Heidsieck, Président-fondateur du RAMEAU nous révèlent l’origine du projet, ses missions et ses modes d’action pour créer des alliances d’intérêt général dans la lignée de l’ODD 17 « Partenariats pour la réalisation des objectifs ».
Mécénova : Le RAMEAU et la Fondation GRDF œuvrent tous deux au développement des alliances d’intérêt général dans le territoire. Quelle est la mission de vos structures respectives ?
Frédérique : La Fondation GRDF, abritée par la Fondation de France a été créée en juin 2020. Nous agissons en faveur du développement économique et social des territoires, soutenable et inclusif. 4 axes d’intervention guident notre approche systémique : l’entrepreneuriat social, l’insertion socio-professionnelle, la transition écologique et les synergies entre les territoires ruraux et urbains. Nous prêtons une attention particulière aux projets en phase de conception, d’expérimentation ou bien qui nécessitent un changement d’échelle. A ce jour, 57 projets ont bénéficié de notre soutien financier et d’un accompagnement extra-financier.
Charles-Benoît : Le RAMEAU est un laboratoire de recherche empirique sur la co-construction du bien commun. Nous étudions les dynamiques des liens qui se crééent entre des acteurs qui historiquement ne travaillaient pas ensemble et nous nous intéressons à la capacité de chacun à contribuer au bien commun. Notre action se décline en trois missions :
– témoigner des démarches de co-construction développées sur le terrain
– partager nos connaissances avec le plus grand nombre via des publications et des modules de formation par exemple
– innover afin de tester de nouveaux modèles
Nous travaillons sur le temps long et en proximité avec les acteurs des territoires. Par conséquent, nos programmes de recherche durent 7 ans en moyenne et se basent systématiquement sur des expérimentations de terrain.
Charles-Benoit, pouvez-vous nous expliquer la genèse de la Fondation des Territoires ?
Charles-Benoît : En 2014, Le RAMEAU a co-piloté un groupe de travail sur les mutations de l’intérêt général en France. Un an plus tard, nous avons publié le rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance ». Notre réflexion s’est poursuivie au fil des ans, et en 2018 nous avons organisé un colloque, dont les Entreprises pour la Cité était l’un des partenaires, intitulé “Intérêt général : dès aujourd’hui l’affaire de tous ? ». Cet évènement qui a réuni plus de 300 dirigeants issus de toute la France a enrichi nos réflexions sur les alliances.
Fort de cette mobilisation, nous avons été reçu par le Cabinet du Président de la République auquel nous avons fait 3 propositions à l’été 2018 :
– Outiller les territoires au travers de la plateforme “l’innovation territoriale en action !” co-construite avec la Caisse des Dépôts et le Groupe La Poste ;
– Instruire la question du cadre juridique. En réponse, cela a été traité dans le cadre d’une mission ministérielle confiée par le Secrétaire d’Etat Gabriel ATTAL ;
– Être à l’écoute de la diversité des initiatives dans les territoires
C’est ainsi qu’a émergé la démarche de préfiguration de la Fondation des Territoires !
A la suite de cet échange, la Ministre Jacqueline GOURAULT s’est saisie de cette proposition, et a impulsé la dynamique en janvier 2019. Des rencontres avec des acteurs publics et des entreprises dans les territoires ainsi qu’une série d’expérimentations ont confirmé la nécessité de créer la Fondation des Territoires. Dernière étape, après avoir créé une association de préfiguration, nous avons constitué un conseil de création de la fondation sous la présidence de Jean-Paul DELEVOYE en novembre 2020.
A nos yeux, il était très important que les 21 membres fondateurs de la Fondation des Territoires représentent des univers très différents, et soient à l’écoute de la diversité des profils de territoires. Enfin, nous avons choisi le statut de fondation sous égide de la Fondation de Lille car nous souhaitions bénéficier de l’expertise et des connaissances de la plus ancienne fondation territoriale de France
« Au fil de nos travaux, nous avons créé les conditions pour apprendre à faire alliance
par le dialogue et l’expérimentation.»
Les missions de la fondation reposent en partie sur la notion d’« alliance d’intérêt général » .
Qu’entendez-vous par là ?
Charles-Benoît : Comprendre la notion d’alliance d’intérêt général nécessite d’expliquer la co-construction territoriale. En quelques mots, il s’agit de dépasser « l’entre soi » pour accepter de dialoguer « entre tous », avec l’ensemble des acteurs du territoires et de prendre le risque d’agir avec eux. Cet engagement incarne l’intérêt général. « Faire alliance » est une démarche complexe, et nous devons collectivement apprendre à le faire. C’est pourquoi les Territoires sont structurants. Ils permettent de créer une alliance à taille humaine qui ne soit pas déconnectée des réalités de terrain. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que chacun soit à sa juste place dans cette alliance, mais l’exercice est difficile. Ecouter la diversité des manières de faire, et qualifier la manière d’y contribuer est au cœur des préoccupations de la Fondation des Territoires.
« La fondation n’est pas une solution en tant que telle. Elle a pour rôle de valoriser la diversité des dynamiques présentes dans les territoires et les solutions qui en ressortent. »
Quelle méthodologie appliquez-vous pour remplir vos missions ?
Charles-Benoît : Chacune de nos missions respecte un programme applicatif précis. Tout commence par le dialogue et l’interconnaissance. C’est dans ce sens par exemple qu’a été partagé les principes, les actions et les moyens de la « Charte du faire alliance » au premier semestre, au travers d’une série de webinaires organisé avec le Réseau des pionniers des alliances en Territoire.
Puis, vient la phase d’expérimentation. Depuis 3 ans, dans le cadre de programmes tels que « Petites Villes de Demain » ou des « Contrats de Relance et de Transition Ecologique », (CRTE) nous étudions comment les « catalyseurs territoriaux » peuvent contribuer au développement des Projets de Territoire. Nous lançons avec 12 territoires le programme « Chef de projet innovation territoriale » pour en expérimenter les liens. Ces chefs de projets mobilisent l’ensemble des acteurs du territoire afin de résoudre une problématique locale. Le programme a pour objectif de valoriser ce qui se fait déjà sur les « petits et moyens territoires », et d’identifier comment accompagner ces territoires à faible ingénierie locale.
D’un point de vue pratique, nous travaillerons à 4 échelons : le panel des 12 chefs de projets, un exemple applicatif local pour chacun d’eux, mais en amont aussi avec le territoire dans lequel ils sont implantés, ainsi qu’avec 12 partenaires nationaux qui suivront l’évolution du projet. De cette façon, nous pourrons étudier l’articulation entre l’action locale, les dynamiques territoriales et nationales autour de chaque chef de projets engagé dans le programme. L’enjeu est de comprendre non seulement l’action de chacun, mais surtout les interactions entre tous.
Enfin, nous avons décidé d’analyser les conditions de mise en œuvre des CRTE durant les 3 prochaines années. Dès lors nous nous demanderons : Est-ce qu’il y a bien eu un processus de co-construction pour élaborer le Projet de Territoire ? Est-ce que les Collectivités se sont appuyées sur les acteurs privés pour les mettre en œuvre ?
Nous portons également une attention particulière à la « chaine de commandement » de l’action : comment a-t-elle été incarnée ? Quelle est la place respective des acteurs locaux, territoriaux et nationaux ?
« Il est fondamental de se demander comment optimiser les interactions entre les différents échelons territoriaux autour d’un projet de territoire »
Frédérique, pourquoi la Fondation GRDF s’est-elle engagée dans la Fondation des Territoires ? Pourquoi l’approche territoriale constitue selon vous la meilleure approche pour adresser les enjeux sociétaux ?
Frédérique : GRDF est engagé dans une profonde transformation de son modèle et de ses activités pour répondre aux urgences de la transition écologique, ce qui implique un travail inscrit dans un temps long. L’objectif est qu’il n’y ait plus de gaz fossile dans le réseau de distribution à l’horizon 2050 mais uniquement du gaz 100% renouvelable. Cette philosophie d’action sur le temps long, nous la partageons avec le Rameau et la Fondation des Territoires.
Cette transformation a également amené GRDF à réinventer nos relations avec les territoires, travailler ensemble sur de nouveaux sujets et apprendre les uns des autres. Comme c’est par exemple le cas avec le monde agricole pour le développement de la filière biométhane. Dans le même esprit, la Fondation GRDF soutient des projets ancrés dans les territoires et les logiques d’alliances, à l’image du programme d’incubation de la Ruche qui permet aux entrepreneurs sociaux d’intégrer un réseau d’acteurs territoriaux et de tester leur initiative sur le terrain.
En participant à la création de la Fondation des Territoires, nous avons souhaité aller plus loin, poursuivre notre logique d’expérimentation dans les territoires avec un cadre plus large que celui de l’entreprise. Par ailleurs, l’approche systémique est également la ligne directrice des actions de la Fondation GRDF.
Charles-Benoît : Cette approche territoriale permet de comprendre les modalités de « l’intérêt général à portée de main ». Dans un premier temps, il est plus aisé pour les acteurs de (re)trouver une interaction écosystémique à un échelon territorial à « taille humaine » afin d’inventer de nouveaux mécanismes d’action collective et d’étudier comment agir ensemble.
« La Fondation des Territoires agit comme un capteur qui étudie la valeur de ces nouveaux liens. »
Pouvez-vous nous dire en plus sur les projets à venir de la Fondation des Territoires ?
Charles-Benoît : Nous organisons le 5éme dîner « élus et entreprises », le 24 novembre prochain à l’issue du Congrès des Maires. A cette occasion nous reviendrons d’une part sur l’expérimentation « chefs de projet innovation territoriale » et d’autre part sur les enseignements du groupe de travail « Entreprises & Territoires », copiloté avec l’ORSE depuis septembre 2021.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la Fondation des Territoires, rendez-vous sur : www.fondationdesterritoires.org
* dont :
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Membre de droit (1) : Ministère de la Cohésion des Territoires
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Membres co-fondateurs au 14 juin 2022 (17) :
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Collège des concepteurs:
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5 personnes physiques : Jean-Paul DELEVOYE (Président du Comité de création), Bettina LAVILLE (Comité 21), Brigitte GIRAUD (CELAVAR / UNCPIE), Jean-Paul BAILLY (personnalité qualifiée), Philippe JOUANNY (Fédération des Entreprises de Propreté),
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2 personnes morales, fondateurs de l’association de préfiguration : Le RAMEAU (représenté par Charles-Benoît HEIDSIECK) et le Réseau des catalyseurs territoriaux (représenté par Elodie JULLIEN).
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Collège des acteurs institutionnels : ANPP, Commune de Charenton (ville pionnière de la démarche « Agir ensemble en Territoire), Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Chaire InterActions d’AgroParisTech.
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Collège des acteurs privés de la co-construction: Ana Bell Group, FNCE, GRDF, Groupe La Poste, RNMA et TotalEnergies Foundation
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Contributeurs associés (3) : ANCT, Caisse des Dépôts et Fondation RTE.
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