Après une carrière dans la fonction publique, Frédéric Dohet s’est vu confier fin 2018 la direction de la Fondation RTE, qui œuvre pour un développement économique, social et solidaire des campagnes. Celui pour qui l’intérêt général a toujours été un moteur, nous livre quelques éléments sur son parcours, sa nouvelle mission au sein du Réseau de Transport en Electricité, et sa vision pour l’avenir.
Une carrière tournée vers l’intérêt général
Le parcours de Frédéric Dohet débute à Paris – où il est né et a grandi – par des études prometteuses : d’abord Sciences Po, puis l’ENA. Fils d’avocats, il se passionne très tôt pour les coopérations au service de l’intérêt général. « J’ai été élevé avec une idée assez élevée de la justice, et ai toujours su que je voulais œuvrer dans le secteur public, au service du bien commun. Et puis ce que j’aime et pour quoi je suis doué, c’est faire travailler les gens ensemble. C’est une marque de fabrique », explique-t-il.
C’est ainsi que Frédéric Dohet devient à 25 ans sous-préfet de Guyane, avant d’exercer ses fonctions à Briançon, puis à Foix, et enfin à Marseille. « Mon premier rôle, régalien, était d’assurer que les lois de la République soient appliquées partout et le second portait sur le développement du territoire, sur le plan économique, social, mais aussi de la paix civile ou de la vitalité associative ». Il passe donc vingt ans dans la fonction publique, dont la moitié en régions et l’autre en administration centrale, à Paris. « Cette première vie professionnelle fut très privilégiée, car le sous-préfet a accès à tout le monde et que réciproquement, tout le monde a accès à lui, ce qui nous place au cœur de la vie des territoires », indique l’intéressé. Il en garde une grande satisfaction et beaucoup de reconnaissance à l’égard de l’Etat « qui faisait confiance à ses hauts fonctionnaires, aussi jeunes soient-ils ».
Après deux ans au ministère de l’Économie et des Finances, où Frédéric se passionne pour les sujets de développement économique et d’aménagement du territoire, il reçoit une proposition de l’entreprise RTE (Réseau de Transport en Électricité). « A l’époque, je ne savais pas que j’allais signer pour plus de 10 ans ! ». Il rejoint d’abord les équipes Marseillaises en tant qu’Adjoint au directeur de la région, poste qu’il occupera durant 3 ans, avant d’intégrer la Direction Financière, à Paris, et enfin de devenir Délégué Régional à Lyon, entre 2013 et 2018.
« Chez RTE, j’ai vraiment le sentiment d’être pleinement dans le service public et l’intérêt général, même si nous ne vivons que de factures donc de clients. C’est une entreprise qui sait argumenter sur la mise en œuvre de chaque projet, et réalise de ce point de vue une très belle mission. » indique-t-il. C’est en novembre 2018, alors que la Fondation RTE fêtait ses 10 ans d’expérience, que Frédéric Dohet s’est vu confié sa direction, succédant à Frédérique Rimbaud. « Ce fut l’occasion de réunir un certain nombre de témoignages de nos partenaires sur ces 10 dernières années, et dont le degré de satisfaction place la barre assez haut pour la suite ! » s’enthousiasme-t-il.
La Fondation RTE, avec et pour les territoires ruraux
La Fondation RTE a été créée en 2008, sous l’égide de la Fondation de France, afin de soutenir les initiatives innovantes émergeant sur les territoires ruraux en faveur du développement économique et social des campagnes. Une ambition qui s’inscrit dans la droite ligne de sa mission de service public (assurer l’approvisionnement en électricité de tous les territoires français) et qui conduit la fondation à privilégier des projets de petite taille, sur des territoires ruraux isolés ou la dynamique est moins forte que dans les zones péri-urbaines, lesquelles trouvent souvent une complémentarité avec le territoire urbain dont elles sont proches.
Pour Frédéric Dohet, la fondation est à la croisée des mondes de la philanthropie et de l’ESS, puisqu’elle soutient le développement des campagnes sous toutes ses dimensions, à condition qu’il se fasse avec des structures ayant un modèle économique durable. Il précise à ce titre que « les projets que nous accompagnons sont en phase d’amorçage, et devront ensuite vivre par eux-mêmes, dans des secteurs où cela est plus ou moins aisé : contrairement à l’agroécologie, le recyclage, ou la création de tiers lieux où la dimension économique est forte, les projets d’éducation ou de culture sont habituellement très fortement subventionnés pour pouvoir trouver leur équilibre ! ». Il l’affirme, c’est bien la vocation de la fondation RTE de soutenir le développement local des campagnes… « mais toujours de manière limitée dans le temps, avec une évaluation régulière des impacts ». A l’évaluation externalisée tous les trois ans, s’ajoutera désormais un processus de reporting en continu, pour une double évaluation des projets.
Tout en gardant un objet tout à fait distinct du cœur de métier de RTE, la fondation a pu dans son histoire, jouer un rôle de poisson pilote et anticiper des modes de fonctionnement devenus ceux de l’entreprise, en étant dès le départ proche des acteurs du territoire, dans la co-construction et à la recherche de solutions avec le meilleur équilibre pour l’ensemble des parties prenantes. « Depuis dix ans, l’entreprise a beaucoup évolué sur le plan de l’engagement. Une politique d’achats responsables a été mise en place il y a 3 ans et même si son déploiement est progressif, tout est désormais passé au crible ! De même pour les questions environnementales, où nous allons désormais bien au-delà des dispositions légales. Par exemple, pour maîtriser la végétation à proximité de nos ouvrages, nous nous tournons vers l’éco-phyto voire le zéro-phyto, en remplaçant ces produits par des petits robots ou des moutons. On se demande systématiquement si pour la même équation financière, on peut faire plus écologique et plus social ! »
Et s’il fallait retenir une caractéristique de la Fondation RTE ? « Le grand point fort de notre fondation est son processus d’instruction », affirme Frédéric. « Elle est réalisée par les instructeurs de la fondation, d’anciens cadres dirigeants de l’entreprise à la retraite, qui forts de leur expérience professionnelle et humaine, questionnent les porteurs de projets à charge et à décharge, sans mollir, et qui ne se laissent pas raconter d’histoire. D’ailleurs, nos partenaires se disent enrichis par cette instruction de proximité, à 360° et très exigeante ! » ajoute-t-il.
Penser le mécénat dans un système global
Selon Frédéric Dohet, un mécénat performant doit d’abord être utile aux partenaires. « De ce point de vue, on s’aperçoit qu’ils ont non seulement besoin de notre soutien dans sa triple dimension (financière, en nature et de compétences) mais aussi d’un accompagnement global sur des questions de business model (montage d’une coopérative, financement de l’investissement au-delà de l’amorçage auquel répond la fondation, passage à l’échelle et déploiement) voire d’apport en capitaux ou fonds propres pour ce qui est des Scop, Scic… ».
Si cette seconde partie ne peut être assurée par la fondation, on pourrait imaginer qu’à terme, elle soit prise en charge par d’autres partenaires. « J’y pense souvent, car si l’on veut aller vers une ESS durable et viable, il faudra aller plus loin que le coup de pouce initial », exprime-t-il.
Et s’il devait y avoir un axe principal d’évolution de la fondation ? « On parle beaucoup d’évaluation et j’ai l’enthousiasme des néophytes sur le sujet. Sur ce volet, je pense que la Fondation RTE gagnerait à s’inspirer de son entreprise fondatrice, qui a toujours fondé ses décisions d’investissement sur des analyses coûts/bénéfices, donc des études quantitatives et qualitatives co-construites avec les parties prenantes. Ce serait une manière de démontrer une culture commune d’appréciation des projets, à 100k€ pour la fondation comme à 100 millions pour RTE. » Work in progress !
Propos recueillis par Alicia Izard
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