Le Contrat à Impact Social, incarnation française des Social Impact Bonds, ouvrent de nouvelles perspectives d’investissements citoyens pour nos entreprises engagées et favorise de nouvelles logiques de co-construction ; au bénéfice de l’innovation sociale. Le réseau Les entreprises pour la Cité organisait le 18 octobre 2016 un premier atelier dédié à ce tout nouveau dispositif qui nourrit autant de fantasmes que d’inquiétudes au sein du secteur. Une première occasion de s’interroger, entre entreprises membres qui souhaitent s’emparer du sujet, sur les spécificités françaises de ce dispositif. De clarifier également le rôle que tiendra plus spécifiquement l’entreprise dans ce système… L’entreprise qui, plus que jamais, à travers le CIS, est encouragée par la force publique à prendre de nouvelles responsabilités dans une prise en charge plus efficace de l’intérêt général. Décryptage.
Pour l’heure les Contrats à Impact Social (CIS) ne sont pas encore une réalité en France. Aucun n’a en effet été concrétisé jusqu’à présent. L’incarnation française des Social Impact Bonds (SIB) reste un dispositif théorique et une inspiration venue d’ailleurs. En France, tout reste à faire. Y compris à se mettre d’accord sur une modélisation partagée du dispositif et la définition exacte du rôle de chacun. C’est pourquoi, nombreuses sont les réflexions qui s’organisent entre associations, acteurs de l’ESS et autres entreprises autour de ce nouveau dispositif impulsé par le gouvernement français.
Une inspiration anglo-saxonne…
Les CIS ne sont pas une création ex nihilo française. Issus des Social Impact Bonds (SIB), ils nous viennent du Royaume-Uni où le système a été expérimenté pour la première fois en 2010 autour d’un programme de prévention de la récidive mis en place dans la prison de Petersborough. Opération a succès, le dispositif a depuis essaimé : on en trouve aujourd’hui une soixantaine dans le monde dont près de quarante en Europe. C’est l’heure pour la France de s’y mettre. Oui, mais sous quelle forme ? Pour rendre applicable le système dans notre pays, il s’agit désormais de le repenser en fonction de spécificités bien françaises, et notamment notre conception historique et culturelle de l’intérêt général.
Un nouveau modèle d’investissement citoyen pour l’entreprise ?
Le principe fondateur des CIS est simple : un besoin sociétal et social non couvert est identifié, un acteur social propose une solution innovante pour y répondre et des investisseurs privés financent le programme qui est évalué par un tiers indépendant selon des critères déterminés en amont. En cas de succès et d’impact avérés du programme, l’acteur public rémunère les investisseurs, sachant que ce versement pourrait comprendre deux niveaux : le remboursement de la mise si un premier niveau d’objectifs est atteint, la rémunération du placement si l’impact est plus grand et rempli un second niveau d’objectifs.
Suivant ce principe, les subventions publiques directes au secteur associatif pourraient-elles disparaître ? Absolument pas. Ce n’est pas l’objet du dispositif qui est avant tout un nouvel outil de financement de l’innovation sociale, c’est-à-dire de projets expérimentaux pour lesquels l’Etat ne prend aujourd’hui pas le risque de financement. L’idée est ici de permettre à ces projets d’exister quand même en reportant le risque sur un acteur privé, qui se voit offrir une nouvelle possibilité de placement dans un secteur à forte valeur ajoutée, à la fois économique et sociétale.
Une logique de coûts évités pour la Société…
De fait, les CIS doivent répondre à une logique de coûts évités pour la Société. Ils doivent s’inscrire dans une logique de prévention (prévention de la récidive pour les personnes sorties de prison, du décrochage scolaire, du placement des enfants, etc.) générant une économie à long terme pour la société (le coût d’une personne détenue, d’une personne en échec scolaire qui ne trouvera pas d’emploi, d’un enfant en foyer ou famille d’accueil…). Le critère des coûts évités, associé à un principe de financement au résultat (la rémunération de l’investisseur n’ayant lieu que si l’impact positif du programme est avéré et donc qu’il est effectivement générateur de coûts évités) aboutit au mieux à une économie pour la force publique, au pire à un coût zéro pour la société. Dans un contexte où les ressources publiques sont de plus en plus resserrées, les CIS paraissent donc être un outil qui répond pertinemment au besoin d’efficacité des dépenses publiques. Et c’est en tout cas un encouragement fort et sans précédent lancé par la puissance publique aux entreprises de s’investir davantage dans la prise en charge efficace de l’intérêt général.
Reste à savoir comment mesurer avec précision ces coûts évités… Le CIS doit être « producteur de résultats mesurables et de changements objectifs et durables chez les bénéficiaires des programmes ». Alors même que l’on peine à se mettre d’accord en France sur une méthode d’évaluation de l’impact des actions d’intérêt général, et qu’aucune ne fait véritablement consensus à ce jour, la question de la mesure d’impact soulève à elle seule de nombreuses interrogations… Sur ce point et à ce stade, le réseau Les entreprises pour la Cité, propose d’ailleurs a minima de certifier les organismes évaluateurs afin d’éviter toute dérive ou conflit d’intérêts.
Le rôle de l’entreprise ?
Au sein de ce système, où se place l’entreprise ? La plupart d’entre elles tiendront le rôle d’investisseur privé. Les CIS, qui présentent pour les programmes actuellement en place dans le monde des rémunérations variant entre 5% et 13% en fonction du contrat, paraissent donc très intéressants. Mais ils comportent un changement de paradigme essentiel qu’il est nécessaire de comprendre lorsque l’on est une entreprise : le principe d’investissement est modifié. Le rendement ne se fait pas ici en fonction de l’importance du risque pris par l’entreprise mais en fonction de l’impact évalué plus ou moins grand du projet. Le résultat de son placement ne dépend donc pas de l’entreprise mais de l’opérateur social à qui est confié le projet. L’entreprise doit bien assimiler et accepter cette logique qui diffère de ses placements habituels, car de la confiance qu’elle accorde à l’opérateur social dépend le bon déroulement du projet.
Une nouvelle incarnation des partenariats publics privés ?
De fait, avant d’être un système financier, un CIS est souvent considéré comme une nouvelle forme de partenariat public privé. Mais le dispositif va en réalité bien plus loin dans la mesure où d’autres parties prenantes sont pleinement et directement intégrées.
Le CIS, c’est une sorte de contrat entre parties prenantes d’une même communauté d’intérêts partagés, au service de l’intérêt de tous. Investisseurs, intermédiaires financiers, force publique, opérateurs sociaux et, a fortiori, bénéficiaires finaux composent ce système.
Si ce système partenarial apparaît théoriquement comme complexe et exigera une coopération forte entre parties prenantes, il entrouvre la voie d’un décloisonnement des secteurs, d’un changement d’échelle de l’Economie Sociale et Solidaire et d’une forte valeur partagée.
Le CIS, et après ?
Si le CIS semble être un outil vertueux, quelques autres points de vigilance restent cependant à noter. Outre les interrogations précédemment exposées qui demeurent autour de l’évaluation et de la mesure d’impact, à plus long terme, une question fondamentale demeure : qui, au sein de la puissance publique prendra en charge la rémunération des contrats ? Si les institutions publiques semblent aujourd’hui plutôt enclines à s’associer aux projets en cours d’élaboration, on ne sait encore qui sera le payeur final et si un « budget commun » peut être dégagé lorsque plusieurs institutions sont concernées à différents niveau de l’Etat (une commune, un Ministère, etc.).
Enfin vient le débat de la réappropriation et de la prise en charge des programmes une fois le succès avéré… et de leur essaimage. Idéalement une expérimentation réussie devrait être « récupérée » à terme par la puissance publique… et se transformer en une politique publique à appliquer sur l’ensemble du territoire. Cette question divise déjà… L’Etat et les collectivités territoriales seront-ils en mesure de faire aussi bien ensuite ? Différences de terrains, meilleures compétences et plus grandes expertises des associations/opérateurs sociaux dans certaines prises en charges complexes… ne reviendrons-nous pas ensuite à un inévitable modèle de délégation de service public par la subvention (comme tel est souvent le cas aujourd’hui) une fois le CIS abouti ?
Des Social Impact Bonds à la française
Si un premier appel à projet du gouvernement a véritablement permis de lancer le CIS en France – quatre projets d’opérateur sociaux ont à ce jour été retenus – et d’entrer dans le vif du sujet, il ne demeure pas moins une zone de flou autour d’un dispositif. A chaque partie prenantes du système, à chaque entreprise, de se l’approprier désormais, car il ouvre de grandes perspectives d’investissements citoyens et apparaît encore à ce jour comme un outil façonnable à souhait.
Bien que le CIS vienne s’immiscer de plein pied dans l’actuel débat qui accompagne la réinvention de l’intérêt général franco-français, nous orientant même vers une conception plus « anglo-saxonne » de ce concept ; bien qu’il marque une évolution majeure de paradigme dans le financement de ce type d’actions, le SIB à la française ne sera néanmoins pas un produit financier d’enrichissement ou d’endettement pour l’entreprise. Les risques comme les profits seront finalement assez faibles. Les CIS ne sont pas des valeurs immobilières mais des contrats (d’où la préférence en français de « contrat » à « bonds = obligations » en anglais) et ne devraient donc pas donner lieu à un marché secondaire. L’intérêt prioritaire restera… l’intérêt général. Il ne s’agit et ne s’agira pas d’un investissement comme les autres. Mais bel et bien d’un investissement citoyen.
[…] contrat à impact social est l’incarnation française des social impact bonds. Nouveau modèle d’investissement citoyen […]
[…] forum présentera les différents fonctionnements des contrats à impact social, incarnation française des social impact bonds aux acteurs territoriaux publics et privés, le […]
[…] Dans les modèles récents, qui reflètent la philanthropie d’investissement vers laquelle notre société évolue, le contrat à impact social offre une manière innovante et intelligente d’investir. Encore à ses prémices, le dispositif devrait se déployer rapidement, à l’instar des Social Impact Bonds outre-manche, et permettre aux entreprises d’appréhender les nombreux acteurs de l’ESS (voir le dossier dédié sur mecenova.org). […]
[…] après le lancement en France des Contrats à Impact Social (CIS) et un an après notre précédent article dédié sur mécénova, nombre de questions restent en suspens. Comment fonctionnent-ils, et quelle(s) […]
[…] en revenant sur les débuts difficiles des contrats à impact social en France. En effet, lancés en 2016 par Martine Pinville, ce dispositif financier innovant peinait à se développer en raison de sa complexité, du manque […]