Le 15 mars dernier, Les Entreprises pour la Cité organisait une conférence sur les nouveaux modèles de partenariat existant entre entreprises et porteurs de projets, chez Steelcase. L’occasion pour les trois intervenants, Nicolas Hamel, Paul Jeannest et Antoine Rieu de partager leurs expériences et leur vision de ces nouveaux partenariats (CIS, JVS…), et de nourrir le débat sur leurs perspectives d’évolution.
Animée par Simon Bitaudeau, nouveau Responsable d’expertise Mécénat et Investissements Citoyens au sein des Entreprises pour la Cité, la conférence du 15 mars portait sur l’émergence de nouveaux modèles de partenariats, comme en témoigne l’arrivée en France des Contrats à Impact Social (CIS), et la création de statuts hybrides tels que les Joint-Venture Sociales (JVS), basés sur la complémentarité des acteurs.
Alicia Izard s’est chargée d’introduire la conférence en revenant sur les mutations récentes du secteur des investissements citoyens, et l’apparition il y a quelques années d’un engagement « nouvelle génération », fondé sur la co-construction entre mécènes et porteurs de projets. Aujourd’hui, l’entreprise doit s’approprier les logiques de coopération et d’open innovation, génératrices de fort impact économique et sociétal, qui contribueront à la revitalisation des écosystèmes. En somme, le mécénat traditionnel fait place à la cross-fertilisation des partenariats, où chacun a conscience que l’entreprise a autant à apprendre de son partenaire que l’inverse.
Les Entreprises pour la Cité avait convié trois professionnels de l’innovation sociale afin qu’ils partagent leur expérience et leur point de vue vis-à-vis de ces partenariats hybrides :
- Nicolas Hamel, Directeur des partenariats de l’Adie (Association pour le Droit à l’Initiative Economique), qui a participé au développement et à la signature du premier Contrat à Impact Social en mai 2017.
- Paul Jeannest, Directeur de RAISESHERPAS, le fonds de dotation de RAISE, société de capital-investissement spécialisée dans l’accompagnement des jeunes entreprises françaises depuis 2014. Il a également contribué à la création, avec BAIN & COMPANY, de l’initiative «David avec Goliath – l’alliance des grandes et des jeunes entreprises ».
- Antoine Rieu, Manager R&D à Ares et SocialCOBizz, Doctorant à l’Université Paris Diderot et chercheur affilié à l’ESSEC, dont les recherches académiques portent en particulier sur les Joint-Venture sociales.
Face au contexte de transformation du secteur de l’engagement, les témoignages de ces trois intervenants ont permis d’interroger l’intérêt de ces nouveaux modèles de partenariat, aussi bien pour les entreprises que pour les bénéficiaires, et de voir comment envisager l’avenir de ces logiques de coopération.
Tout d’abord, Paul Jeannest a présenté les activités du fonds de dotation RAISESHERPAS, qui constitue le premier accélérateur philanthropique dédié aux jeunes entreprises de croissance française. RAISESHERPAS place la dimension partenariale au cœur de son projet : les grandes entreprises françaises actionnaires de RAISE aident les jeunes entreprises en croissance à grandir en leur apportant un soutien financier, et en leur faisant bénéficier des conseils de leurs top managers. De ces partenariats vont donc pouvoir naître les start-up de demain. RAISE a par ailleurs crée, avec BAIN & COMPANY, l’initiative « David avec Goliath – l’alliance des grandes et des jeunes entreprises » qui encourage la multiplication des alliances entre ces deux univers. Concrètement, ce rendez-vous comprend une étude, un guide pratique, et une remise du Prix David avec Goliath.
«Le Fonds de dotation RAISESHERPAS permet, à la fois pour les grands groupes de sourcer l’innovation, et pour les start-up de bénéficier de l’expertise des grands groupes» Paul Jeannest, Directeur de RAISESHERPAS.
Nicolas Hamel a également évoqué le rôle de l’Adie comme vecteur d’innovation sociale et instigateur de partenariats hybrides. S’adressant à des publics en situation de fragilité économique, l’Adie avait déjà par le passé noué un partenariat avec Renault dans le cadre du programme Renault Mobiliz, permettant aux clients de l’Adie d’accéder à l’offre Mobilité et aux garages solidaires du constructeur automobile. Plus récemment, en mai 2017, l’Adie a signé le premier Contrat à Impact Social, qui dans ce cas prévoit de faire financer par des investisseurs un programme de trois ans visant à promouvoir l’insertion des publics éloignés de l’emploi dans les territoires ruraux fragiles, grâce au financement et à l’accompagnement de projets de création d’entreprise et de retour à l’emploi salarié.
« Il nous fallait un projet expérimental, innovant pour la structure, qui répondait à la question « comment octroyer des micro-crédits là où l’Adie n’est pas présente ? » Le CIS nous a permis d’y répondre. » Nicolas Hamel, Directeur des partenariats de l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (Adie).
De plus, Antoine Rieu a pu apporter son double point de vue de Doctorant-Chercheur et Manager R&D sur l’émergence et la structuration des premières Joint-Venture Sociales. Ce nouveau type de partenariat, complexe, est selon lui aujourd’hui la forme la plus aboutie d’imbrication entre une entreprise et une association.
Une Joint-Venture Sociale repose sur trois piliers :
- Une structure dédiée, généralement une SAS qui rassemble des actionnaires complémentaires mettant à disposition leur cœur de métier. Par exemple, une association et une entreprise privée « classique » créent une Joint-Venture Sociale ensemble ;
- Une mission sociale identifiée dans l’objet social de la JVS ;
- Un fonctionnement reposant sur un modèle économique pérenne et rentable, hybride, qui fonctionne avec une part de chiffre d’affaire, une part de subventions provenant de l’Etat, et des subventions privées.
La construction de partenariats hybrides présente donc plusieurs avantages. D’une part elle permet aux structures à but non-lucratif d’atteindre de nouveaux bénéficiaires, comme l’Adie qui grâce au CIS peut toucher les publics fragiles des milieux ruraux où elle n’est pas implantée pour le moment. D’autre part, les entreprises partenaires peuvent inclure ces coopérations dans le cadre de leur démarche de responsabilité sociétale. Enfin, ces partenariats permettent d’approfondir le business en créant une véritable chaîne de valeur économique au service du social, et constituent un terrain d’expérimentation pour la mise en oeuvre d’autres partenariats.
Sur la base de ces trois témoignages, plusieurs « bonnes pratiques » ont été identifiées :
- Il faut prendre le temps d’identifier le contexte dans lequel s’inscrit le partenariat, notamment au niveau des ressources, économiques et humaines, disponibles ;
- Malgré la complexité de ces démarches, il est nécessaire de construire un langage commun, un engagement dans la durée avec des sponsors internes et externes, afin de créer de la valeur partagée ;
- Enfin, il faut traiter des problématiques territorialisées en lien avec les partenaires publics.
« Le risque avec tous ces partenariats techniques gérés par des gestionnaires, c’est de dépolitiser les enjeux sociaux. Se lier avec des acteurs publics, territoriaux, c’est la garantie d’une acceptation et d’une véritable portée à long terme transformative ». Antoine Rieu, Manager R&D à Ares et SocialCOBizz, Doctorant-Chercheur à l’Université Paris-Diderot et Chercheur affilié à l’ESSEC.
Ces nouvelles manières de « faire ensemble » suggèrent donc de nouveaux défis aussi bien pour les entreprises que pour les porteurs-projets. Le gouvernement français, en créant l’initiative French Impact, réaffirme son souhait de passer de l’Etat-providence à la société-providence, où chacun est en mesure d’agir, notamment les entreprises.
Pour en savoir plus, consultez notre article portant sur les perspectives et ambitions du gouvernement pour ces nouveaux types de contrat, avec le point de vue de Christophe Itier, Haut-Commissaire à l’Economie Sociale et Solidaire et à l’innovation sociale auprès de Nicolas Hulot.
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