Cédric Turini est le Directeur de la RSE de la Fédération Nationale des Caisses d’Epargne (FNCE). Il porte fièrement les valeurs de cette banque historiquement engagée et à l’origine de nombreuses innovations sociales. Ses deux mots d’ordre, qu’il partage pleinement avec son entreprise : co-construction et territoires.
Microfinance et RSE, un parcours dédié à l’engagement sociétal
Titulaire d’une maîtrise d’économie après des classes préparatoires, Cédric Turini s’imagine un temps professeur. Mais, plus que par la pédagogie, c’est par la pratique qu’il veut partager sa vision des entreprises qu’il souhaite engagées au service des territoires. Il poursuit donc sa formation à HEC Montreal. Très intéressé par le développement humain, il se spécialise en responsabilité sociétale des entreprises et s’implique en parallèle dans une association de protection de l’environnement. Son « master of science » confirme ainsi ses envies d’avenir professionnel : conjuguer finalité économique et sociétale.
À l’issue de ses études, son entrée dans les Caisses d’Epargnes en 2006 résonne comme une évidence, lui qui en est client depuis son enfance. Originaire des montagnes grenobloises, Cédric Turini est très attaché à la notion de territoire, correspondant pleinement à l’ADN des Caisses d’Epargne. Cédric Turini a alors pour mission de développer le dispositif de microcrédit « Parcours Confiance », au sein d’une direction « Intérêt général ». Il s’agissait d’un projet de Social Business : alors qu’en France le taux de bancarisation est très élevé (98%), l’enjeu principal est celui de l’accès au crédit des personnes à faibles revenus, auxquelles les banques ne peuvent pas toujours prêter. Cette offre des Caisses d’Epargnes a été co-construite avec des partenaires de l’action sociale (les CCAS[1], les UDAF[2], la Croix Rouge…) pour allier les expertises et répondre au plus près des besoins des bénéficiaires. Aujourd’hui, ce sont 70 conseillers qui travaillent sur ce dispositif.
Il devient responsable de la RSE de la FNCE en 2014 puis directeur en 2018 et anime avec son équipe un réseau d’une centaine de collaborateurs partout en France chargés de faire vivre l’engagement des Caisses d’Epargne à travers trois principaux champs d’action. Le mécénat et la philanthropie tout d’abord, avec près de 30 millions d’euros par an et plus de 1 100 associations soutenues. « Nous sommes l’une des premières, si ce n’est la première entreprise mécène de France, mais peu de gens le savent » affirme ainsi Cédric Turini. Autre pilier de la RSE des Caisses d’Epargne : l’inclusion financière avec le microcrédit et l’action de Finances & Pédagogie, association d’éducation financière, dans laquelle les Caisses d’Epargne détachent une vingtaine de collaborateurs. Enfin, le troisième volet porte sur les projets transversaux et la mise en œuvre des pratiques internes de RSE, le suivi des indicateurs et les démarches d’évaluations et de labellisations externes alignées sur l’ISO 26 000.
Finalement, il résume simplement ainsi son parcours : « j’ai eu la chance de trouver de suite le métier qui me correspondait, qui a du sens et qui est transversal puisque je travaille avec l’ensemble des services de l’entreprise ». Une volonté de co-construire qui irradie l’ensemble de ses activités.
Le mécénat, un levier d’expérimentation pour la co-construction territoriale
Pour Cédric Turini, « Le mécénat peut jouer un rôle d’amorceur et de pionnier. Nous avons en effet la possibilité d’expérimenter des projets, là où les collectivités ne peuvent pas toujours se le permettre ». En témoigne l’exemple du soutien aux entrepreneurs sociaux : « pour le changement d’échelle des entrepreneurs sociaux, il existe des dispositifs. Le problème principal reste l’amorçage, qui peut être soutenu par le biais du mécénat. De plus, nous sommes dans une époque obnubilée par le changement d’échelle, alors que cette vision est souvent parisienne. Le changement d’échelle ne doit pas se faire au détriment d’autres actions qui marchent localement et qui sont essentielles à la cohésion des territoires. »
Le directeur RSE de la FNCE a ainsi une vision très claire du mécénat, au service des territoires et de projets co-construits. D’ailleurs, les mobilisations actuelles confirment son intuition : « Finalement, on est dans la redécouverte des territoires, de leur diversité, de leur créativité, mais aussi de leurs difficultés ». D’après Cédric Turini, le mécénat doit être un levier au service de la cohésion sociale et de la coopération entre les acteurs. Les Caisses d’Epargnes ont selon lui un rôle majeur à jouer dans cette dynamique car elles sont au carrefour de toutes les parties prenantes des territoires : à la fois banquier, mécène et acteur de l’économie sociale et solidaire par leur statut coopératif ; première banque des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux ; et au plus proche des problématiques locales avec une organisation très décentralisée. Ces caractéristiques confèrent aux Caisses d’Epargne une triple légitimé auprès des acteurs publics, des acteurs de l’ESS, des entreprises, et avec elle un rôle de fédérateur et de catalyseurs des innovations sociales. Car il en est convaincu, « si aujourd’hui les associations et les entreprises commencent à se parler, il faudra de plus en plus associer les collectivités locales ».
Les deux derniers projets animés par Cédric Turini et son équipe portent en leur cœur cette double caractéristique : territoriaux et élaborés en collectif. Ainsi, le Carrefour des innovations sociales a été conçu avec une cinquantaine de structures issues du public, du privé, de l’ESS, pour rendre visible les innovations sociales partout en France et impulser de nouvelles coopérations avec des outils open-source. Autre projet : le Club Mobilité, une joint-venture sociale créée sous statut de société anonyme avec Renault, l’ADIE, et l’Action Tank Entreprise et Pauvreté. Il s’agit d’une offre de location de voitures Dacia avec option d’achat pour favoriser la mobilité de personnes en situation de précarité et les aider dans leur accès à l’emploi. Les bénéficiaires accèdent ainsi à des véhicules de meilleure qualité, pour un prix inférieur à la location ou l’achat de véhicules d’occasion, souvent très kilométrés et coûteux à entretenir. L’offre, testée en Ile de France, a aujourd’hui fait ses preuves, justifiant d’être déployée à l’échelle du pays.
Cédric Turini en est convaincu : « soutenir les territoires, c’est soutenir son propre développement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des grands groupes multinationaux cherchent aujourd’hui à retisser des liens à l’échelle locale… ».
Vers un nouveau cadre juridique et fiscal pour les entrepreneurs sociaux ?
Enfin, lorsqu’il est interrogé sur l’avenir du mécénat, Cédric Turini aborde directement l’enjeu de l’hybridation des modèles. « Aujourd’hui, on a le sentiment de défricher un nouveau territoire avec les entrepreneurs sociaux, un modèle hybride, en comparaison avec une économie sociale et solidaire traditionnellement subventionnée ». Loin d’opposer ces deux modèles, Cédric Turini souhaite plutôt qu’ils s’enrichissent mutuellement, trouvent des objectifs communs et construisent ensemble des solutions dans un cadre adapté.
« Demain, les entrepreneurs sociaux prendront encore plus d’importance. Il faut donc trouver un cadre juridique et fiscal adapté à leurs modèles. Mais attention, il ne faut pas se faire éblouir par la nouveauté et prendre tous les projets pour des innovations sociales, on ne peut en juger qu’au bout de 30 ans et non de quelques mois ». Une prise de recul salutaire et naturelle pour le garant des engagements d’une entreprise dont la première innovation sociale, le Livret d’épargne, a fêté l’année dernière son bicentenaire.
Propos recueillis par Simon Bitaudeau
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