Caroline Desaegher est depuis 2016, Directrice communication et marque de Ramsay Générale de Santé ainsi que Déléguée Générale de la fondation éponyme. Historienne de formation et journaliste dans l’âme, elle se définit avec humour comme un « bébé AXA », cette entreprise où elle a démarré et passé 18 ans. Elle a également dirigé pendant quatre ans la Communication et le Développement Durable d’Aviva, avant de se tourner vers le secteur de la santé. Rencontre avec une professionnelle passionnée, qui conjugue au quotidien communication et engagement.
Le triptyque ‘‘Histoire, Communication, Engagement’’
Passionnée par le journalisme mais peu séduite par ce milieu, Caroline Desaegher effectue un DEA d’histoire économique et sociale contemporaine à l’Université de Lille. Alors qu’elle se pose des questions sur son avenir professionnel, une opportunité se présente : AXA cherche alors un(e) historien(ne) pour écrire un ouvrage sur l’histoire de l’entreprise. Contre toute attente, alors que d’autres professionnels bien plus capés et pour certains agrégés se présentent, c’est son projet qui est choisi. « J’étais la plus jeune et certainement la moins expérimentée, mais ma vision, plus journalistique, a convaincu l’équipe de l’époque. J’adore l’histoire vivante, les interviews. J’avais donc choisi de capitaliser sur le récit des acteurs de cette histoire en donnant la part belle aux témoignages. »
Caroline Desaegher rejoint donc l’équipe de la communication en 1993, pour écrire L’histoire d’AXA, qui paraîtra en 1995 aux éditions HM. « Cette commande a été tirée à plus de 50.000 exemplaires et traduite en anglais, pour être distribuée partout dans le monde aux directeurs d’AXA, aux actionnaires et aux employés qui souhaitaient le recevoir. J’étais très fière car j’avais 24 ans lorsque ce livre est sorti. C’était merveilleux d’avoir pu faire cela si jeune au contact de personnages aussi passionnants. » En deux ans, Caroline avait eu le temps de faire ses preuves et de s’attacher à l’entreprise, si bien qu’à l’issue de sa mission, on lui proposa de rester à la communication, où elle apprit son métier sur le tas. « Je suis tombée amoureuse de cette entreprise passionnante, modelée par Claude Bébéar, un visionnaire aussi intelligent qu’attachant, et Françoise Colloc’h à la fois Directrice de la Communication, DRH, Culture… Ils avaient compris toute l’importance et tout l’intérêt de créer une culture commune et de donner du sens aux salariés, pour qu’ils soient heureux de venir travailler tous les matins pour AXA. Aujourd’hui on entend cela tous les jours, mais à l’époque c’était très novateur. Comme M. Jourdain, AXA faisait de la RSE sans le savoir », explique Caroline.
Dès lors, elle apprend le métier d’attachée de presse au niveau du Groupe, puis crée le service presse d’AXA France en 1996, lors de la fusion AXA-UAP, jusqu’à prendre la tête de l’ensemble de la communication externe de cette entité. « J’ai eu la chance de commencer ma carrière dans cette entreprise qui permettait d’évoluer et de changer de job régulièrement ! », explique Caroline. En 2001, elle est rappelée au Groupe pour créer la direction du Développement Durable, qu’elle dirigera jusqu’en 2004. « Nous commencions à recevoir, de la part d’agences de notations dont on n’avait jamais entendu parler, des questionnaires ‘‘bizarres’’ qui portaient sur le social, l’environnemental, la gouvernance, etc. », s’amuse-t-elle. Caroline fut donc chargée de créer des outils de reporting sociaux et environnementaux de A à Z. « Il a fallu créer les questionnaires, monter les réseaux de correspondants dans tous les pays du groupe pour faire remonter les données et apporter des preuves que nos politiques étaient bien mises en œuvre, piloter la création de l’outil informatique qui allait abriter tout cela. Ce fut un travail passionnant ! », se souvient-elle. Ce travail a forcément débouché sur la formalisation d’une politique de responsabilité sociétale intégrant les bonnes pratiques déjà mises en œuvre et de nouvelles à développer pour couvrir l’ensemble des stakeholders. « Je gérais aussi le mécénat via AXA Atout Cœur et la communication actionnaires individuels. Avant de partir, j’avais lancé la première notation sociétale d’entreprise dans l’assurance avec Nicole Notat, de l’agence Vigeo – une femme que j’admire beaucoup professionnellement – et participé au lancement du premier fonds d’actions responsables d’AXA Investment Managers, avec Thierry Deheuvels et Pascale Sagnier. »
En 2012, nouveau tournant : « À 40 ans, après quasiment 20 ans chez AXA, je me suis dit que, soit je ne connaîtrais de ma vie que cette entreprise, soit c’était le moment d’aller voir autre chose », explique Caroline. Elle rejoint alors un autre assureur, Aviva, en tant que Directrice Communication et Développement Durable, avec une vingtaine de personnes sous sa responsabilité. « Ça a été 4 ans magnifiques, où nous avons beaucoup innové, notamment en créant le premier fonds d’impact investing de l’assurance avec Philippe Taffin le Directeur des Investissements, et la Fabrique Aviva avec Thibault de Saint Simon, qui travaillait dans mon équipe et a par la suite repris mes fonctions. » La Fabrique Aviva est un programme qui accompagne le développement de l’économie sociale et environnementale en finançant des idées entrepreneuriales innovantes et qui remporte un beau succès chaque année. Malgré cette réussite, Caroline décide de quitter le Groupe : « Bien que je sois très fière et heureuse que le projet perdure, je ne suis pas une gestionnaire et ne me projetais pas dans la 22e édition. J’avais une soif d’avancer, avec des projets opérationnels d’assurance spécifique de ces entreprises sociales et solidaires pour Aviva, mais l’entreprise n’était pas prête à suivre ».
Caroline intègre alors Ramsay Générale de Santé, avec à nouveau une double casquette : la Direction de la Communication et de la Marque, ainsi que la fondation d’entreprise. « Cela m’a tout de suite intéressée, car je ne connaissais que le secteur de l’assurance, un métier mal aimé par le grand public, ce qui commençait à me peser. Je me disais naïvement que le secteur de la santé ferait beaucoup plus l’unanimité parmi les journalistes, le grand public…, s’amuse-t-elle. J’étais aussi très heureuse que l’on me confie le challenge de redynamiser la fondation, un moyen de réaliser des actions utiles pour la communauté tout en développant la notoriété et l’image du Groupe ». En l’espace de 3 ans, elle découvre un monde totalement différent : un secteur aux moyens bien plus modestes que l’assurance, et qui contre toute attente, n’est pas plus apprécié lorsque l’on est un acteur privé. « C’est un tout autre défi, car il faut développer la visibilité, l’image de l’entreprise et de ses établissements avec très peu de moyens, et nager à contre-courant d’un dogmatisme public/privé extrêmement fort, jonché de préjugés qui ont la vie dure. » Un travail qui lui réussit, puisqu’elle a été confirmée dans ses fonctions après que le Groupe ait récemment presque doublé de taille à la suite du rachat de Capio, Groupe de santé scandinave.
Quand la fondation sert la marque et vice versa
Le “double métier” de Caroline – communication d’une part, mécénat d’autre part – sonne pour elle comme une évidence. « Je pense sincèrement qu’une entreprise ne peut plus communiquer comme dans les années 80 ou 90, où l’on était dans l’incantation sans jamais prouver ce que l’on avançait, car les consommateurs décodent désormais les informations – ce qui est une très bonne chose – et font le tri ! Le profil des Dircom actuels n’a plus rien à voir avec celui de nos aînés, et ce qui est très intéressant aujourd’hui, c’est que la communication doit être honnête, transparente et argumentée. » Un métier plus difficile, donc, mais bien plus enrichissant pour celle qui voit le communicant comme « un artisan au cœur de l’entreprise, qui doit être en contact avec tout le monde, savoir ce qui se passe, pour créer ou nourrir un discours à partir de la réalité qu’il observe ».
Dans l’optique de communiquer autrement, Caroline Desaegher et son équipe ont récemment créé les “engagements patients”, une série d’engagements permettant de faire comprendre au grand public la réalité de ce leader de l’hospitalisation privée, tout en contrant un certain nombre de préjugés. « Ils sont basés sur des preuves concrètes issues de nos établissements, et les engagent à aller tous dans le même sens. » Pour l’exemple, Ramsay Générale de Santé compte au sein de ses personnels soignants une grande diversité d’origines. Dans de très nombreux établissements, les langues et dialectes parlés par les collaborateurs sont répertoriées afin d’être en mesure de trouver rapidement le/la salarié(e) pouvant aider à communiquer avec un(e) patient(e) lorsqu’il/elle ne maîtrise pas le français. « Nous sommes très fiers de ces compétences, qui illustrent notre engagement de prise en charge de toutes et tous les patients sans distinction », explique Caroline.
Côté mécénat, la Fondation Ramsay Générale de Santé existait depuis 2008 et s’était d’abord mobilisée en faveur du don anonyme et gratuit de sang de cordon ombilical, à des fins thérapeutiques et scientifiques. « Tout en maintenant cette initiative, nous avons choisi de nous engager dans la Prévention Santé, une démarche pouvant impliquer l’ensemble de nos établissements et de nos salariés, en cohérence avec notre métier et les besoins du système de santé français », précise Caroline Desaegher. Pour preuve, la Ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, en a fait une priorité du quinquennat. « On sent que l’avenir de la santé passe sans doute par l’intégration progressive du préventif au même titre que le curatif », ajoute-t-elle. La fondation développe donc des programmes innovants pour informer et sensibiliser individuellement et collectivement en faveur des bons comportements santé. Au-delà, elle s’emploie à encourager tout un chacun à prendre en main sa santé en intégrant ces bons comportements dans sa vie quotidienne. Ainsi, en 2017 la fondation lançait sur Facebook les “Générations prévention”, une série de personnages qui se posent des questions sur leur santé au quotidien et permettent ainsi de sensibiliser le grand public de manière ludique, bienveillante et sympathique. Très vite, elle a également créé les “Sans-Tabac”, premier Chatbot dédié à l’arrêt de la cigarette, qui a rencontré son public, si bien que la fondation vient de lancer “Ramsay”, le premier Chatbot de prévention santé au sens large. « Au moment où la e-santé et l’intelligence artificielle se développent, il y a une vraie place à prendre pour moderniser la prévention santé, faire de la pédagogie différemment et innover » lance Caroline.
En parallèle et en cohérence, la fondation a lancé avec INCO le Prevent2Care Lab, un incubateur de startups dédiées à la prévention santé. « INCO est en charge de la partie traditionnelle de l’incubation (formation en business plan, communication, marketing, finance…) et Ramsay GDS apporte son expertise médicale, via des entretiens avec nos médecins pour challenger les idées des entrepreneurs, leur donne la possibilité de réaliser des recherches cliniques et des expérimentations au sein de ses établissements… » Bilan de la première année : 13 startups incubées, une grande diversité de projets, des expérimentations en cours avec 5 d’entre elles, l’une rachetée à la fin de l’incubation. « Une première promotion très positive, qui nous a appris à travailler avec des startups. Enrichis de cette expérience, nous lançons la deuxième promotion pour tenter de faire encore mieux : nous créons un deuxième incubateur à Marseille et allons également partir à la rencontre des projets associatifs sur le terrain via un Prevent2Care Tour et qui financera certains d’entre eux ! » s’enthousiasme Caroline. « C’est un grand bonheur que de se dire que l’on est en train de créer une dynamique positive pour la cause que l’on défend comme pour l’entreprise à laquelle on appartient. » conclue-t-elle.
Un engagement gagnant-gagnant
Pour Caroline Desaegher, le mécénat est avant tout une manière pour l’entreprise d’agir pour l’avenir, d’innover et de communiquer autrement. « Via les projets portés par la fondation, l’innovation irrigue peu à peu l’entreprise » indique-t-elle. Mais pour cette femme de convictions, il s’agit avant tout de communiquer sur une entreprise ou une cause auxquelles elle croit : « Que ce soit chez AXA, Aviva ou Ramsay Générale de santé, j’ai toujours été très enthousiaste vis-à-vis de l’entreprise, avec l’envie de la faire (re)connaître. Je n’aurais pas pu “vendre” une entreprise qui ne me plaisait pas ».
Elle reste d’ailleurs très marquée par ses années AXA et la philosophie de cette entreprise pionnière. « En tant qu’historienne, je trouve que les entreprises dites “paternalistes” ont du bon. Quand on voit que des entreprises comme Michelin ont quasiment créé les assurances sociales et que Claude Bébéar fut l’un des pionniers dans la généralisation des stock options à un maximum de collaborateurs permettant aux salariés d’accéder à l’actionnariat, c’est extrêmement fort ! Aujourd’hui, il y a de l’appétence pour ces modèles, dont les gens semblent avoir besoin. » explique-t-elle.
Optimiste et pragmatique, Caroline reconnaît volontiers que l’engagement se doit également d’être performant pour la société civile et pour l’entreprise. « Je crois beaucoup au gagnant-gagnant, au fait de faire des choses qui correspondent à la stratégie de l’entreprise tout en apportant un bienfait à la communauté. La Fabrique Aviva, c’était ça. Même chose chez AXA avec le chèque syndical, qui visait à assurer une meilleure représentation des partenaires sociaux : Bébéar avait déjà compris que si l’on n’a pas d’interlocuteurs, de représentants du personnel forts, la grogne peut monter et ronger l’entreprise de l’intérieur. C’était une mesure bonne pour les salariés et pour l’entreprise ! »
Lorsque l’on demande à Caroline comment elle voit l’entreprise de demain, sa réponse ne se fait pas attendre. « Il me semble que la responsabilité (RSE) est désormais intégrée dans la plupart des grandes entreprises, et qu’elle fait partie intégrante des projets de créations de nombreuses startups. À mon sens, performance et engagement seront de plus en plus indissociables à l’avenir. L’engagement sociétal est un levier de croissance dans un contexte où les choix de consommation intègrent de plus en plus ce critère qualitatif. Le nouvel écueil sera donc de ne pas trahir ou galvauder cet engagement, de ne pas le transformer en bannière publicitaire. Pour moi, c’est presque acquis car l’immédiateté de l’information et les possibilités d’expression individuelle permises par les médias sociaux rendent périlleuse toute manipulation ou hypocrisie, et je crois sincèrement que c’est le sens de l’histoire. »
Propos recueillis par Alicia Izard
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